Artiste embarqué, Breton d’origine, il a rejoint l’équipage de Tara lors de l’escale tokyoïte : Nicolas Floc’h, plasticien et enseignant à l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne. Pendant un mois, il va plonger à la découverte des coraux aux côtés des scientifiques. Présentation du nouvel artiste en résidence.
Récif artificiel, Japon 2013, – 23 mètres. © Nicolas Floc’h
Tu as fait de l’océan ton sujet de prédilection. Peux-tu nous parler de ton parcours ?
A 12 ans, je rêvais de devenir marin pêcheur. À 14, je faisais les saisons avec eux, à la Turballe. À 17 ans j’ai arrêté mes études pour embarquer sur les bateaux de pêche pendant un an. Puis j’ai repris le Lycée, l’Université et j’ai suivi un master à la Glasgow School of Art. Je travaille en sculpture, en installation, en photographie, en vidéo, mais aussi en performance. La mer est l’un des thèmes qui traverse l’ensemble de ma pratique.
Tu as embarqué au Japon, c’est un pays que tu connais déjà…
Ce n’est pas anodin, je développe un projet sur les récifs artificiels depuis 2010. Un récif artificiel est une structure, une architecture en métal ou en béton, immergée entre 10 et 80 mètres de fond, qui est destinée à restaurer des habitats dégradés ou à produire de la biomasse. Au Japon, il existe des villes entières immergées. On estime qu’il y aurait 20 000 sites sous la surface, avec plusieurs milliers, voire dizaine de milliers de récifs par site et des tours pouvant atteindre 35 mètres de haut. Une véritable urbanisation sous-marine !
Quel est l’objet de ton travail sur les récifs artificiels ?
Je répertorie ces architectures, j’effectue un travail documentaire en volume, grâce à la sculpture. Je les reproduis avant immersion, dans les mêmes matériaux, mais au dixième. Ce sont des architectures qui, une fois placées sous l’eau, se transforment et ne sont plus accessibles. Je plonge aussi sur ces structures immergées pour les documenter et les photographier.
Récif artificiel, Japon 2013, – 19 mètres. © Nicolas Floc’h
Ce travail sur les récifs artificiels m’a permis de comprendre leur fonctionnement, mais aussi d’observer leurs avantages et leurs inconvénients. Il n’existe pas de système idéal, mais au fil de mes recherches j’ai constaté qu’ils génèrent de la biomasse et offrent des abris durables. Et je pense qu’on ne peut pas uniquement mesurer leur rôle en termes d’habitat. Ces récifs artificiels vont aussi modifier les pratiques de pêche. Une fois immergées, ces énormes structures ne permettent plus le passage d’un chalut. Le mode de pêche est donc repensé : il faut pêcher à la ligne, avec des nasses et utiliser des systèmes de pêche plus doux. Mettre en place une pêche plus durable. Cette modification des pratiques m’intéresse.
Comment appréhendes-tu ta résidence à bord de Tara ?
Tara, c’est un vieux rêve ! Le jour où j’ai entendu parler de Tara Pacific, je travaillais déjà sur les récifs depuis plusieurs années et il y avait une sorte d’évidence. Mais entre les envies et la réalité… Je suis extrêmement heureux d’avoir pu rejoindre l’expédition.
Mon objectif ici, c’est de travailler sur le corail. L’océan est immense, plus on s’y immerge, plus on mesure l’amplitude des sujets à approcher et à aborder. Je pense que Tara, offre accès à cet espace-là, grâce aux échanges avec les scientifiques. Le travail que je vais effectuer à bord entre dans une logique que j’ai commencé à mettre en place avant d’embarquer, mais il est évident que Tara va m’offrir une dimension supplémentaire. La goélette travaille à l’échelle de la planète, à grande échelle. Et bien c’est la même chose pour moi, ici je vais pouvoir travailler à une autre échelle.
Propos recueillis par Noëlie Pansiot
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